Gagnon Chainey, B., 2021. Survivances queers des esthètes: un pas de deux entre Joris-Karl Huysmans et Hervé Guibert. PhD, Nottingham Trent University.
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Abstract
Les fins du XIXe et du XXe siècles sont deux époques assaillies par des pandémies de maladies transmissibles sexuellement, soit la syphilis au XIXe siècle et le sida au XXe. En plus des ravages sur les corps qu’elles entraînent, ces deux afflictions possèdent une force entropique semant le chaos parmi les discours culturels, sociaux et politiques, stimulant de manière corollaire la résurgence de nombreuses phobies de l’Autre, en l’occurrence la xénophobie, la misogynie et l’homophobie. Au plus fort de ces deux pandémies fin-de-siècle, les savoirs médicaux et leurs pratiques se montrent incapables d’endiguer leur progression, sortant à plus d’un titre des cadres nosographiques, épidémiologiques et thérapeutiques de leurs époques respectives. En littérature, de nombreux auteurs ont écrit des textes de genres très variés sur la syphilis et le sida. Alors qu’à la fin du XIXe siècle, aucun écrivain contaminé n’a publié de texte au « je » racontant son expérience personnelle de la « Grande Vérole », à la fin du XXe siècle, la donne change. Le sida devient un moteur d’écriture de soi, de témoignage de l’expérience vécue de la maladie, ainsi qu’un véhicule de revendication publique et culturelle. Les années 1884 et 1990 marquent des points tournants littéraires dans les « représentations » de la syphilis et du sida, avec la publication d’À Rebours (1884), roman symboliste de Joris-Karl Huysmans mettant en scène le confinement excentrique du duc Jean Floressas des Esseintes, esthète névrosé à la syphilis insinuante mais jamais diagnostiquée, dans un château à Fontenay-aux-Roses, ainsi que la publication d’À l’Ami qui ne m’a pas sauvé la vie (1990), le premier « roman du sida » écrit par Hervé Guibert, écrivain, photographe, journaliste et vidéaste, décédé sidéen en 1991, des suites d’une tentative de suicide à la digitaline. Ces deux textes phares des fins du XIXe et du XXe siècles représenteraient des points tournants littéraires, puisqu’ils ne se seraient pas contentés de représenter objectivement la syphilis et le sida, mais les auraient aussi déformés esthétiquement aux prismes des expériences sensorielles détraquées du personnage de Des Esseintes et du narrateur Guibert, tous deux esthètes en ce que leurs rapports à leur corps, aux autres, aux décors et à l’espace-temps sont inéluctablement médiés par leurs sensations. Au fil des expériences maladives, plutôt que « sur » la maladie, qu’À Rebours et À l’Ami qui ne m’a pas sauvé la vie mettent en scène, de nombreuses et différentes survivances esthétiques émergent à la surface sensible des corps et des décors. Ces survivances esthétiques sont entendues, de manière générale, comme des symptômes perceptibles d’un passé – récent, archaïque, mythique ou fantasmatique – qui émergent de nouveau dans le présent, et que Des Esseintes et Guibert expérimentent à travers leurs sens. À plus d’un titre, ces survivances esthétiques semblent agir sur les protagonistes à travers une performativité queer, soit une puissance de déformation, de déviance et de différenciation des corps et des décors, entraînant les esthètes dans des expériences de désorientation sensorielle et spatiotemporelle, où s’entrechoquent différents anachronismes remettant en question le Progrès érigé en valeur culte au XIXe « Siècle de la Science », et l’avancée linéaire du temps. Cette thèse doctorale, la première à comparer les œuvres de Joris-Karl Huysmans et d’Hervé Guibert, vise une exploration des expériences maladives qui ne cherche pas à fixer des « vérités » sur les pandémies fin-de-siècle de syphilis et de sida, mais de montrer comment leur force entropique a concouru, de nombreuses façons, à l’émergence de survivances à la fois esthétiques et queer dans le présent de leurs expériences. La thèse souhaite réintroduire avec force, rigueur et originalité les dimensions esthétiques déroutantes des expériences de la différence, de la maladie et du mourir, en ne les cristallisant pas dans leur seul contexte historique, mais en déployant la puissance anachronique, voire intemporelle, qui les fait survivre d’une fin de siècle pandémique à l’autre.
Item Type: | Thesis |
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Description: | This research programme was carried out in a joint-Ph.D. collaboration with Département des Littératures de langue française, Faculté des Arts et des Sciences de l’Université de Montréal |
Creators: | Gagnon Chainey, B. |
Date: | November 2021 |
Rights: | The copyright in this work is held by the author. You may copy up to 5% of this work for private study, or personal, non commercial research. Any re-use of the information contained within this document should be fully referenced, quoting the author, title, university, degree level and pagination. Queries or requests for any other use, or if a more substantial copy is required, should be directed to the author. |
Divisions: | Schools > School of Arts and Humanities |
Record created by: | Laura Ward |
Date Added: | 06 May 2022 13:17 |
Last Modified: | 06 May 2022 13:17 |
URI: | https://irep.ntu.ac.uk/id/eprint/46275 |
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